La liberté de disposer de ses biens a-t-elle une date de péremption ?

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La liberté de disposer de ses biens a-t-elle une date de péremption ?

C’est à cette question que va devoir répondre le Conseil Constitutionnel saisi par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation en date du 18 décembre 2020.

L’article L.116-4 du Code de l’action sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi n°2015-1776 du 28 décembre 2015, modifiée par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 à instaurer de nouveaux cas d’incapacités de recevoir à l’encontre des personnes qui interviennent dans le cadre des activités de services à la personne visées aux 2° et 3° de l’article L.7231-1 du Code du travail.

Le Conseil Constitutionnel devra déterminer si cette disposition méconnait les droits et libertés garantis par les articles 2, 4 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

Depuis l’origine, le code civil prévoit des incapacités de recevoir.

Cette faculté octroyée au législateur de réduire la liberté de disposer de ses biens se comprenait jusqu’alors aisément en ce que les restrictions permettaient la protection de personnes vulnérables (mineurs, malades).

Ce n’est pas le cas de la nouvelle rédaction de l’article L.116-4 du Code de l’action sociale et des familles à travers laquelle le législateur ne protège plus une personne vulnérable, mais les héritiers issus de la dévolution légale.

Pour garantir la protection des disposants, le droit positif, sur le fondement de l’article 901 du Code Civil, permet d’annuler une libéralité a posteriori lorsque l’insanité d’esprit du testateur est avérée.

Il est donc pleinement énigmatique qu’une personne majeure, capable par définition, en pleine possession de ses facultés mentales, saine d’esprit, ne faisant l’objet d’aucun régime de protection, soit privée de sa liberté de disposer de ses biens uniquement en raison de son âge avancé.

Si les intentions du législateur lors de la création de la disposition étaient louables, l’effet de la nouvelle rédaction est incontestablement une atteinte à la liberté de disposer de ses biens, et en conséquence, au droit de propriété.

Le nouvel article L.116-4 du Code de l’action sociale et des familles vient créer une présomption de vulnérabilité de la personne majeure fondée uniquement sur son âge.

Autrement dit, le législateur, à travers cette nouvelle disposition, déclare les personnes âgées  incapables et les prive ainsi de droits constitutionnellement garantis.

Cette modification apportée à l’article L.116-4 est gravement attentatoire à la liberté des personnes de disposer de leurs biens en ce qu’elle étend considérablement les incapacités de recevoir sans poser aucune condition de lucidité ou de conscience du testateur.

Rappelons que le principe fondamental est celui de la libre disposition et que la seule et unique condition de droit commun permettant de disposer est l’intégrité du consentement.

En adoptant cette disposition, le législateur a fait le choix de prendre le risque de frapper d’incapacité un individu pourvu d’une volonté et d’un consentement intacts.

Détail qui a son importance, la nouvelle rédaction de l’article L.116-4 du Code de l’action sociale et des familles ne donne aucune précision sur l’âge des personnes disposantes.

A partir de quel âge le législateur considère que l’on est trop vieux pour disposer de ses biens ?

Y’a-t-il une date de péremption des facultés mentales d’un individu majeur ?

La réponse est bien évidement non.

C’est la position qu’ira défendre le cabinet Lafayette Avocats devant le Conseil Constitutionnel au début de l’année 2021.

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